mercredi 2 février 2011

Folies ou comment j'ai tué Janvier

«… Même si mes nuits ne sont que folies divines et immortelles, folies maladives, de l’ordre d’un mal irrationnel, que puis-je faire à part continuer à souffrir, à rêver…
-    Ce que l’on voit à l’intérieur de soi, ces bouts de miroir aiguisés, c’est une image que l’on n’aurait jamais dû percevoir ou toujours dû connaître. Ce n’est pas juste. Parce que ces choses, elles te poursuivent éternellement dans le noir.
-    Elles te traquent, elles t’étouffent.
-    Qu’il est terrible de se retrouver seule face à soi…
-    C’est dégueulasse. On se sent sale après. On aimerait se raser les cheveux, passer du désinfectant. On aimerait s’ouvrir la tête et tout foutre dehors.
-    Mettre de l’essence dedans, y mettre le feu…
-    La mort aux rats. Il faut tuer les nuisibles, les bêtes invisibles…
-    Invisible, insubmersible, indestructible, invincible, inco…
-    TU COMPRENDS DIS, TU COMPRENDS ?
-    …hérence. Errance, errance, errance… Pestilence et décadence. 
-    PAUSE CHATEAU DE CARTES !!! »
Les deux filles s’effondrèrent d’un coup, épuisées par leur joute. A 16h18 précises, tous les vendredis, elles se réunissaient en secret dans le petit salon de Madame. Et elles se battaient. Puis, lorsque les mots ne sortaient plus, elles s’endormaient dans la fumée, cette saleté de d’encens. A moins que ce ne soit de l’opium ? Les livres se balançaient alors doucement en chuchotant. Mais ce sommeil devait être mérité, là au milieu des étoffes, de l’aquarelle et du parquet. D’abord, fallait commencer par les injures, puis on passait par les railleries, les mauvaises blagues, on complétait le tout par des ragots puériles et ô combien déplacés. Au fur et à mesure, la colère monte, s’envenime, elle s’empare de vos cordes vocales, de votre langue. Au moment où vous sentez qu’elle s’intéresse à vos mains, c’est le moment de hurler de soi. Et là, on rencontre la haine, cette haine existentielle liée à l’incompréhension de ce que nous sommes, à la peur de ce que nous apercevons au détour d’un cauchemar. La fin du rituel finissait toujours un peu de la même façon, après tout c’est normal. Au bout d’un moment, on n’a plus rien à se dire, surtout à nous-mêmes. Les reproches ne changeront pas, la liberté, cette misérable liberté, elle est par delà nos yeux. Et de ce corps magnifique et maudit, nous n’en sortirons pas vivant.
Les beautés perdues s’observèrent, les yeux mi-clos. Une horloge sonna une mauvaise heure. Elles soupirèrent de concert.

« Si seulement on était encore en vie… Je recherche tellement le vent, le printemps…
-    Le tapis sera notre pré d’illusions. Je ne regrette rien. Endors-toi jolie princesse, la nuit sera longue.
-    Tu me réveilleras ?
-    Pas sûr. Pas avant l’arrivée.
-   Ce n’est pas drôle June. Alors, je veux une belle surprise en rentrant, que quelque chose de bien s’écroule en notre absence.
-    Ne t’inquiètes pas, le temps s’en chargera. »